Comment le super malus
va aboutir à une évasion fiscale

Le projet de loi de finance pour 2021 indique clairement un durcissement du malus écologique
avec un abaissement du seuil de déclenchement
(qui passerait de 138 à 131 g/km de CO2 dès 2021 puis à 123 g/km en 2022)
et une hausse du plafond qui passerait de 20 000 € à 40 000 € en 2021 puis à 50 000 € en 2022.

Une taxe allant jusqu'à 50 000 euros


En résumé, en 2022, à partir de 190 g/km, le malus sera de l’ordre de 10 000 €, il sera à 20 000 € à partir de 200 g/km et atteindra 50 000 € à partir de 225 g/km.
Les ventes annuelles de véhicules neufs sont de 2 200 000 voitures. Là-dessus, les ventes de véhicules dits d’exception sont plutôt marginales. Les ventes de véhicules de sport (Porsche, Alpine, Ferrari, Lamborghini…) sont annuellement de l’ordre de 10.000 véhicules.
Mais à cela s’ajoutent les ventes de véhicules premium, essentiellement anglais et allemands (Jaguar, Mercedes, BMW, Range Rover…), dont bien de modèles se verront imposés à une taxe de 50 000 €.
En conséquence, on peut estimer que le nombre de voitures soumises à une taxe de 50 000 €, soit la taxe maximale, serait de l’ordre de 20.000 véhicules par an.
Cette approche empirique n’est pas incohérente, le nombre de véhicules vendus en 2019 avec un malus de plus de 1.000 € (le plafond étant alors de 10.000 €) étant de l’ordre de …. 40 000.
À partir d’une taxe de 20 000 €, l’intérêt pour le futur acquéreur est de « domicilier » son véhicule à l’étranger.
Cette tendance est déjà de plus en plus à la mode à cause des radars et des risques de saisie des véhicules en cas de grands excès de vitesse. Mais pour l’instant, elle est toujours marginale.

Des voitures domiciliées à l'étranger

Cependant, il va devenir intéressant, pour quelques milliers d’euros, d’immatriculer son véhicule en Allemagne, en Italie, en Espagne ou au Portugal, et ceux qui ont de la famille là-bas seront favorisés, mais surtout dans des pays plus intéressants selon l’approche fiscale comme le Luxembourg, la Suisse, et pourquoi pas l’Autriche…
Le principe va alors être très simple : une structure étrangère, qui appartient à l’acquéreur du véhicule, va facturer une prestation à une structure ou à un particulier en France. Un virement sera fait régulièrement pour le règlement, bien inférieur à 5.000 €. C’est une relation fournisseurs / clients classique et rien ne l’interdit : il suffira de justifier l’objet de la facturation… Le marché va devenir fructueux et les conseils vont rivaliser d’imagination.

Si, en 2022, il y a encore 20 000 véhicules soumis à un malus de 50. 000 €, cela signifie une rentrée financière de 1 milliard d’euros pour l’État. Si le volume de ventes possibles est identique, mais si seulement la moitié des véhicules sont « français « , le gain fiscal ne sera que de 500 millions.
Concernant les 10 000 véhicules restants, 3. 000 acheteurs renonceront ou décaleront leurs projets et les 7 000 autres véhicules seront domiciliés à l’étranger.

Une augmentation des flux vers l'étranger...

Si chaque véhicule est « rémunéré  » en moyenne 2 000 € par mois (on peut estimer le gain à 40% par rapport à un prix français), le flux annuel vers l’étranger sera de 168 millions d’euros. Seulement…Ce qui peut parait dérisoire va se retrouver amplifier par deux phénomènes :
– L’accessibilité pour des revenus fiscaux à partir de 80 000 € (soit des chefs d’entreprise, des professions libérales et des commerçants…) à une évasion fiscale de faible coût et compréhensible par chacun. L’évasion fiscale, et les montages complexes qui y sont liés, étaient devenus trop chers pour le potentiel fraudeur de base. Tout le monde ne peut pas se permettre de dépenser 600 000 € d’honoraires pour transférer 15 millions d’euros de la Suisse à Singapour. Par conséquent, il n’est pas interdit d’augmenter les virements mensuels afin de thésauriser sur des comptes de sociétés… ce qui augmenterait substantiellement les flux vers l’étranger… Nous n’oublierons pas également les opportunités alors offertes aux systèmes mafieux dans le cadre du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme…  
– Les règlements vers l’étranger durent le temps du financement de la voiture, donc il existe un phénomène cumulatif avec pour conséquence des flux annuels vers l’étranger qui seront, au bout de 5 ans… de 840 millions d’euros par an, pour 35 000 véhicules. Dans ce cas, que va faire l’administration fiscale ? On peut alors citer une histoire ancienne. Aux approches des années 2010, une liste de la banque HSBC récupérée par l’administration fiscale contenait 6 000 noms de résidents français ayant un compte en Suisse. La moitié des noms communiqués étaient utilisables par l’administration fiscale, soit 3 000. Même si la moyenne des dépôts était élevée, car tirée vers le haut par quelques dépôts importants, la plupart des sommes en jeux étaient de faibles montants, et concernaient pour moitié des gens de plus de 60 ans. Il s’agissait même souvent de sommes déposées par les parents décédés des détenteurs des comptes. Même si les régularisations (souvent spontanées) ont rapporté 300 millions d’euros à l’état, seules 62 personnes ont fait l’objet de poursuite. Les sources citées ici sont celles du journal « Le Monde ».

Un futur casse-tête pour l'administration fiscale

Je vous laisse imaginer la problématique pour l’administration fiscale de courir après 7 000 nouveaux « cas litigieux  » par an répartis dans plusieurs pays avec la gestion des recours administratifs, des délais à respecter et des autres obstacles générés par les conseils.
Même si la police s’ingéniait à arrêter toutes les Porsche, Ferrari et autres BMW à plaques étrangères circulant sur les routes et autoroutes françaises (nos amis étrangers apprécieraient) et même avec l’aide de l’intelligence artificielle, l’État français n’y arriverait pas.

Voilà comment une idée mue uniquement par un concept idéologique va clairement à l’encontre de l’intérêt de l’état.

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